Quantcast
Channel: America Latina (VO) » psychanalyse
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Marta Lamas dénonce le poids du machisme dans les violences au Mexique

$
0
0

Ciudad Juarez, ville mexicaine située sur la frontière avec les Etats-Unis, a été ébranlée par des centaines d’assassinats de femmes à partir des années 1990. L’impression de se trouver devant des homicides en série, non élucidés, a amené les défenseurs des droits de l’homme à parler de « féminicides », un néologisme.

Anthropologue et figure du féminisme mexicain, Marta Lamas est persuadée que Ciudad Juarez est un antécédent de l’explosion de violences meurtrières en cours : on compte plus de 50.000 homicides liés au crime organisé depuis 2007. Les corps démembrés hantent l’opinion publique, horrifiée et impuissante.

A Ciudad Juarez, de nombreuses victimes avaient été torturées et mutilées.

« Les corps outragés de ces femmes étaient déjà l’objet d’un pacte de sang masculin, d’un rituel d’initiation à une fratrie ou à un gang », souligne Marta Lamas. On prétend que certains féminicides auraient été filmés à l’époque, alors qu’aujourd’hui les assassins enregistrent leur forfaits sur leur portable.

« Beaucoup attribuent le début des atrocités à la guerre contre le narcotrafic lancée par le président Felipe Calderon, sans remettre en cause de manière autocritique la culture des Mexicains », déplore l’anthropologue.

Or, les Mexicains privilégient la famille restreinte au détriment de leurs concitoyens et de la société. « L’incivilité est généralisée », assure Marta Lamas. Les inégalités brutales, les injustices et l’ostentation de richesses aiguisent le ressentiment social, le désir de revanche, sans égards, par exemple, pour la souffrance des kidnappés. Les cartels de la drogue, comme la mafia, se voient comme une famille élargie (l’un d’entre eux s’appelle d’ailleurs Familia Michoacana).

Faute d’Etat de droit digne de ce nom et de loi du père, « des jeunes surjouent leur virilité pour masquer leur fragilité psychique », affirme Marta Lamas.

« La masculinité se construit dans le risque, dans le défi à sa propre sécurité, la transgression au-delà du raisonnable ou des normes chrétiennes. Au Mexique, on méconnaît l’inconscient, mais au fond ces jeunes criminels commettent des atrocités parce qu’ils sont en compétition pour prouver lequel a plus de couilles ou le plus gros pénis. »

L’escalade de la barbarie devient le moyen d’accroître leur pouvoir économique et psychique. Peu leur importe s’il est de courte durée. « La vie ne vaut rien », disait une vieille chanson ranchera (folklorique).

L’égalité des sexes a fait des progrès au Mexique sur le marché du travail, sans pour autant remettre en cause les stéréotypes machistes et sexistes. « Le féminisme n'a pas eu de prise dans les classes populaires », affirme Mari Carmen de Lara, cinéaste et féministe.

Les fratries de narcos comptent souvent des femmes, sœurs, mères ou cousines, dont le rôle actif remet rarement en cause la suprématie masculine. « Et pourtant, ce sont des hommes peu sûrs d’eux-mêmes, dépourvus de figure paternelle », par émigration ou abandon du père, soupire Marta Lamas.

[prochain entretien sur le Mexique : Lorenzo Meyer, historien]


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2

Latest Images





Latest Images